Histoire du papier – III – Japon et washi

Washi (Sugihara paper)


Le papier arrive donc au Japon en 610, sous le règne de l’impératrice Suiko (592-628) dans les décennies qui suivirent l’arrivée du bouddhisme par l’intermédiaire des moines coréens. Plus précisément, ce qu’a apporté le moine Donsho c’est la technique de fabrication du papier, ainsi que du matériel pour la peinture, des bâtons d’encre de Chine et un modèle de moulin à eau pour broyer les fibres de pâte à papier.


Papier à lettre traditionnel japonais (Shiroishi washi)


 

L’usage du papier washi va connaitre un succès croissant du VIIe au XIXe siècle, atteignant petit à petit toutes les couches de la population japonaise.

    • C’est d’abord son statut de véhicule idéal de diffusion du boudhisme qui permet son expansion – le prince impérial Shotoku (VIIe siècle) va par exemple encourager la culture du chanvre (asa) et du kôzo (broussonetia papyrifera, plante de la famille des Moraceae, connue sous le nom de mûrier à papier).
    • Jusqu’au XIIe siècle, le papier reste la propriété et l’usage d’une élite aristocratique – le Dit du Genji (Genji monogatari) de Murasaki Shikibu (978-1016), roman de mœurs de l’aristocratie écrit par une dame d’honneur de la cour impériale en est l’illustration parfaite. Le papier est alors superbe, raffiné et décliné sous toutes les formes : presque carré (shikishi), en éventail (senmen), rouleau horizontal (kakejiku) ou vertical (kakemono), papier d’emballage (tsutsumu)

Semen (papier éventail) époque Heian


  • De l’époque Kamakura (1185-1333) à l’époque Momoyama (1573-1603) apparaissent de nouveaux consommateurs de papier : les bushi, la classe des samurai, et avec eux de nouvelles formes de papier pour de nouveaux usages : supports administratifs ou pour la calligraphie, papier velouté (danshi) en kozo, livres, vêtements en papier (kamiko et shifu), lanternes, ombrelles, éventails.
  • A l’époque Edo (1603-1868), l’usage du papier se diversifie et atteint tous les milieux de la société japonaise : pour écrire, peindre, envelopper, confectionner des cadeaux, fabriquer des livres, des albums illustrés, des estampes, du papier monnaie, des récipients en hariko (applications successives de couches de washi renforcé et de laque), et toutes sortes d’objets facilitant la vie quotidienne et les relations sociales. Les japonais inventent même le papier toilette (otoshigami) et expérimentent de nouveaux papiers à recycler (sukushi).
  • L’ouverture à l’Occident opérée à l’époque Meiji (1868-1912) marque un sérieux coup de frein à la fabrication artisanale du washi et à sa commercialisation.

Portes coulissantes en shoji (papier translucide) dans une habitation traditonelle


Tradition et Innovation sont les mots qui caractérisent le plus le papier japonais – on peut considérer que le washi (wa « japonais » et shi « papier ») est une des expressions les plus pures de la culture nippone.

Dans le domaine du washi, les artisans japonais ont adopté depuis longtemps une attitude de recherche et d’innovation. Une manufacture de papier, appelée Kamiya-in, sur la rivière Shikugawa, est installée à Heian-Kyo (ancien nom de Kyoto) au début du IXe siècle, et peut être considérée comme le premier centre de recherche sur le papier où l’on expérimenta de nouveaux matériaux, de nouvelles écorces comme celles du kôzo ou du gampi.


Fabrication traditionnelle du washi à la main


Si le moine coréen Donsho a apporté en 610 la technique de fabrication de papier artisanal d’origine chinoise – technique qui sera ensuite reprise en Occident via les arabes) – les japonais vont développer leur propre technique de fabrication artisanale : le nagashizuki. Cette méthode tamezuki est considérée comme la méthode traditionnelle japonaise pour fabrique le vrai washi.

La technique classique chinoise (nommée tamezuki au Japon) consiste à accumuler les différentes fibres sur un tamis fixe et d’y absorber la pulpe de papier et l’eau du haut vers le bas, en remuant le tamis horizontalement. Les feuilles ainsi produites sont ensuite pressées puis séchées. La méthode nagashizuki est plus complexe et plus longue, et consiste à laisser couler ou à laisser flotter les éléments pulpe et eau sur un tamis mobile. Le résultat est un papier léger, flexible et étonnamment solide.


Feuilles de washi à la main fabriqué traditionnellement


 

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